Il-Festa
A Malte, le religieux et le
spirituel se compénètrent avec ce que nous appelons en Occident le
profane. Malte est à mi-chemin entre l'Orient et l'Occident. S'il y a
séparation, c'est entre le civil (le pouvoir de l'Etat) et le fait
ecclésiastique. La vie chrétienne imprègne le quotidien, la vie sociale,
cultuelle, artistique et littéraire des Maltais. Elle est partie
intégrante de l'identité maltaise et avec le sens de la famille, soude
la communauté nationale. Bien intériorisés, ces deux éléments de la foi
chrétienne et de la famille constituent un dynamisme certain dans
l'appréhension de la vie actuelle, la construction d'un Etat moderne et
jeune, qui fait place au progrès social et technique, et sans que cela
se fasse au détriment de l'humain.
La fête patronale,
il-festa, traduit la relation festive (l'extériorité de la foi) de
tout un peuple dans ses convictions et sa foi profonde ; mais elle fait
aussi place à la réjouissance, aux feux d'artifices, aux retrouvailles
entre familles et amis, puisque la festa se fait dans toutes les
paroisses de Malte et l'on s'invite. C'est l'occasion d'inviter les
membres de la famille, les amis émigrés un peu partout dans le monde.
Peter Serracino Inglott, prêtre et philosophe, nous dit que "les Maltais
ont à cœur la communication entre les personnes et entre les nations ;
c'est un facteur dominant hérité du catholicisme, un même dynamisme qui
les a conduits à leur indépendance, pour servir cet universalisme". Au
cœur de la festa, où l'on peut boire et manger il-qubbajt
(le nougat maltais), s'exprime
l'attachement des émigrés maltais qui retrouvent la chaleur des
relations fraternelles, sans que cela étouffe ce besoin de voyager, de
visiter d'autres pays et au besoin de s'y établir.
Pour la fête, l'église est
parée de tentures rouges, de fleurs et elle est toute illuminée pour les
cérémonies solennelles ; les rues de la ville ou du village sont
décorées, pavoisées, illuminées. Quand sort la procession, les
applaudissements éclatent, les feux d'artifices sillonnent le ciel, la
statue du saint patron défile dans les rues, accompagnée par les
harmonies qui jouent des hymnes et des marches au milieu d'une foule en
liesse. C'est l'aspect convivial et fraternel de la foi et de leur
identité que les Maltais partagent avec les touristes qui viennent les
visiter. L'humain est encore aujourd'hui primordial et fait bon ménage
avec le sens commercial. La fête se continue le lendemain pour un grand
nombres de familles qui partent en voiture et en car, passer la journée
ensemble au bord de la mer…
Ce qui ne se voit pas
toujours aux yeux des visiteurs, c'est la foi profonde de toute une
communauté, plus ouverte à la vie moderne qu'on ne le supposerait. La
multitude des églises (de style baroque - un baroque tantôt dépouillé et
discret, tantôt très riche) - et les temples néolithiques, apportent
aux Îles Maltaises cette continuité du sens du religieux et du sacré, de
la vie et de l'éternité.
Il-kazin
Le kazin sorte de club,
permet de se retrouver, d'échanger ; c'est un lieu de retrouvailles au
sein d'un parti politique ou d'une société philharmonique.
Les sociétés musicales -
il-kazin tal-banda - animent les fêtes de l'année et la fête patronale.
Chaque ville ou village possède sa société philharmonique et même deux
sociétés selon le nombre de paroisses. Elles prêtent également leur
concours à d'autres villages et villes pour animer leur fête. On les
voit parader dans les rues jouant des marches ou sur la place donnant un
concert au milieu d'une foule joyeuse et fière de sa société
philharmonique. La rivalité prend aussi quelque place pour envenimer
les relations et exciter passion et jalousie! Mais par-dessus tout,
c'est la fête qui prime dans la bonne humeur. Elle est au cœur de la vie
d'un village ou d'une ville ; et l'on tient à ce qu'elle soit la plus
belle et la plus performante. Bien des sociétés philharmoniques ont
participé à l'extérieur de Malte à des fêtes et à des concours
internationaux.
Et il y a aussi les kazini
politiques du parti nationaliste et du parti socialiste ; les deux
partis se partagent l'électorat maltais. Ils sont présents dans tous les
villages et toutes les villes : lieux de rencontres et d'organisation du
parti, mais aussi lieux de retrouvailles où l'on peut boire un coup,
jouer aux cartes et bavarder.
L-ghana
En juin, pour les fêtes
champêtres de l-Imnarja (qui signifie
illumination : les remparts de l-Imdina sont tout illuminés pour la
fête), tout un peuple se rassemble dans les
jardins de Buskett, après avoir participé à la course d'ânes et de
chevaux, et le 15 août à Mellieha,
ou encore dans les jardins de l'Argotti, pour écouter les chanteurs "ghannejja"
chanter l-ghana, accompagnés à la guitare, sur des airs traditionnels.
L-ghana est le chant
traditionnel. Il chante une épopée du temps passé, ou un évènement
récent ou bien il reprend une complainte qui a émouvante ; mais aussi il
excelle dans l'improvisation. Le chanteur est seul ou mis en concours
avec d'autres chanteurs, à qui improvisera le mieux, sous forme de
dialogue, sur un même thème, sur un fait divers, sur ce qui se passe
dans la société (politique ou social).
L-ghana plonge ses
racines dans un passé lointain, exprimant joies et peines de tout un
peuple ; il est plein de sagesse populaire, avec des jeux de mots, de
l'humour. L-ghana
est une création musicale locale, comme on en trouve dans les îles de
Sardaigne, de Chypre, de Crète. Il n'est nullement arabo-musulman et à
cause de cette fausse opinion qui crée le préjudice, certains l'ont
mésestimé voire même rejeté.
Aujourd'hui l-g£ana
est mieux à l'honneur. Des festivals sont organisés et des chanteurs "ghannejja"
participent régulièrement à des concours internationaux. L-ghana draine
en lui toute un part de la vie et de l'histoire de Malte. Il conjugue en
lui le passé et le présent ; mieux compris et estimé, il est par le fait
de l'improvisation, un outil excellent qui permet la créativité et
l'expression de la société maltaise. C'est l-ghana qui fut enregistré en
premier sur disque, accompagnant les Maltais dans leur migration.